Marie CHAUME (1839 – 1911) et Marie CHAUME (1860 – 1914)

Marie CHAUME (1839 – 1911) et Marie CHAUME (1860-1914)

Je crois qu’on ne peut dissocier les deux Marie, la mère et la fille, tant il me semble que l’existence de l’une et l’autre furent liées. Pour plus de clarté, nous les nommerons Marie Chaume I (mère) et Marie Chaume II (fille).

Dans la branche Chaume en général, le prénom de Marie est très fréquent. Il est donc souvent difficile d’identifier dans l’état-civil ceux qui portent le même nom et le même prénom. S’y ajoute l’habitude (locale ?) de donner comme surnom dans la vie courante (l’alias pour l’administration) un autre prénom que celui de l’état-civil. Et ce surnom est souvent substitué dans les documents officiels au prénom de naissance, favorisant les confusions.

a) Marie CHAUME I (mère) était native de Durance, dans la région des landes gasconnes où ses aïeux directs vécurent aussi loin que l‘on puisse remonter. Elle était la fille de Guillaume CHAUME qui exerçait la profession de résinier (1) et de Jeanne LASMOLES qui l’avait mise au monde le 20 juin 1839. Ses parents avaient alors respectivement 33 et 32 ans. La première enfance de Marie fut marquée par la perte de sa mère alors qu’elle n’avait que 3 ans, en 1842. Avec son frère et sa sœur, elle fut donc élevée par leur père resté veuf  jusqu’en 1856, date de sa mort à Durance. Marie n’était alors âgée que de 17 ans.

On n’a pas de précisions sur son enfance. Sa fréquentation de l’école dut être brève et certainement inexistante (elle signe d’une croix son acte de mariage en 1876). Plus sûrement, elle dut connaître les travaux précoces dans les fermes voisines ou plus simplement elle aida son père dans ses travaux au coeur de la forêt. Elle se rapprocha alors de sa soeur qui était mariée et habitait Barbaste. Cette dernière l’hébergea un temps alors que Marie traversait une période difficile.

En effet, le 27 décembre 1860, Marie donne naissance à une fille qu’elle prénomme… Marie et dont elle ne révèle pas le nom du père. La naissance eut donc lieu chez sa soeur, près de Barbaste, au lieu-dit « Pot-de-Lèbe » qui ne rassemblait que deux maisons (selon les recensements de 1856 et 1861) (2).

Quelques mois plus tard, Marie et sa fille se trouvaient à «la Roubine», un autre hameau situé à deux kilomètres de là, sur le chemin impérial allant de Barbaste à Réaup. Dans ce hameau de quelques maisons, à peu de distance de Pot-de-Lèbe, la jeune mère et son enfant vécurent en compagnie d‘Anne Chaume, une femme de 60 ans qui les hébergea  vraisemblablement en raison de liens familiaux.

A ce sujet, il est frappant de noter combien les liens semblaient étroits entre branches familiales parfois éloignées; c’était le cas chez les Chaume mais aussi chez les Tichané. Pourtant les communications n’étaient pas aisées et ne favorisaient pas les rencontres même si les distances étaient souvent faibles. On peut se demander si les membres des branches d’une même famille connaissaient toujours le parent éloigné qui venait solliciter leur aide comme le firent Marie Chaume et sa fille. Elles furent sûrement hébergées au nom de cette solidarité familiale qui parait si forte dans les landes de Gascogne.

Après cette période difficile pour la jeune femme et sa fille, Marie épousa en 1863 Vital TICHANE, un homme de 38 ans originaire de Réaup, le village voisin de Barbaste. Le couple s’y installa avec l’enfant de Marie que Vital ne reconnut pas : c’est pour cela que Marie II fut longtemps désignée  sur les actes d’état-civil par son seul prénom (3). Il est né au moins trois enfants de l’union de Marie et de Vital :

  ♦ Pierre le 6/10/1865 et                                                                                                                  ♦ Jeanne le 22/07/1869  (4)                                                                                                              ♦ Marie née le 25/10/1867 mourut prématurément à l’âge de un mois

C’est auprès d’eux que  la fille aînée de Marie Chaume va passer sa première jeunesse.

Vital Tichané, l’époux de Marie I, est qualifié de « journalier » sur son acte de mariage. Mais trois années plus tard il est recensé comme « propriétaire » au lieu-dit «Laugarot». L’endroit est le fief familial des Tichané où son père possédait des terres et où naquit Vital. A cette époque, c’était une ferme landaise située à deux kilomètres du hameau de Tustem au centre d‘une zone défrichée et consacrée à de maigres cultures permises par le terrain trop pauvre. On y pratiquait donc une culture de subsistance  à base de maïs et on essayait d’y élever quelques moutons en appoint de l’exploitation du bois et de la résine. Pour le couple, cette installation était-elle le signe d’une amélioration de ses conditions d’existence ? C’était sûrement une évolution mais elle ne changea guère son mode de vie.

Tout autour de ce terrain défriché, les bois de pins et de feuillus accentuent la sensation d’isolement (5). En 1878, il n’existait pas encore de chemin pour aller de Laugarot  à Tustem, le hameau voisin ! On peut imaginer les habitants se déplacer dans cette zone boisée sur d’étroits sentiers accompagnés de leur bête de somme (boeuf ou cheval) utilisée pour transporter la précieuse gemme jusqu’à la distillerie; par chance, cette petite fabrique ne se trouvait pas loin de Tustem.

Cette existence précaire mais prometteuse fut brutalement interrompue après quelques années de vie commune.

En 1871, Vital  » alias Jean » mourrait à Laugarot huit ans après son mariage. Marie n’avait que 31 ans. Devenue veuve avec trois enfants, elle essaya de vivre encore quelque temps à Tustem, auprès d’un couple dont l’épouse était une parente de son défunt mari. Mais quel avenir pour elle et ses enfants dans ce hameau au milieu de la forêt ? La volonté de refaire sa vie, la charge trop lourde que représentaient les enfants pour la famille qui les hébergeait, l’insuffisance des moyens de subsistance dans un milieu naturel très dur, tout cela incita Marie à quitter la forêt et à rechercher un environnement et des conditions d’existence plus favorables.

Marie retourna donc s’installer à Barbaste avec ses deux derniers enfants. En 1873, elle y donna naissance à un garçon, prénommé Laurent né de père inconnu. Peu après, en 1875, elle perdit son fils Pierre, âgé de 9 ans. Elle avait alors 36 ans. Sa fille aînée (Marie II) ne vivait déjà plus avec elle. Alors âgée d’une douzaine d’année, l’adolescente avait été placée pour subvenir à ses propres besoins et n’être plus à charge de sa mère. Cette dernière se remaria en 1876 à Barbaste avec Etienne NUGUES, âgé de 38 ans et originaire de l’endroit. Marie le connaissait déjà car Etienne avait vécu et travaillé quelques années comme propriétaire-cultivateur au lieu-dit « Calcutta« , non loin de « Laugarot » à l’ époque où Marie y vivait avec son premier mari.

Marie et Etienne s’installèrent à proximité de Barbaste, d’abord au lieu-dit Lausseignan puis à Perpont en 1881, à Bergerot (une maison isolée) en 1886 et enfin à Berguin en 1892. Ils vivaient de leurs activités agricoles et étaient aidés par un domestique qu’ils hébergeaient : était-ce le signe que Marie connaissait enfin de meilleures conditions d’existence, la stabilité et la sérénité ? Elle n’eut pas d’enfants de ce second mariage et avait vu sa fille aînée  s’éloigner d’elle en 1880 à l’occasion de son mariage avec Pierre Tissanié.

En 1899, mourut Etienne Nuguès. A l’âge de 60 ans, Marie se retrouva seule. Elle se rapprocha alors de sa fille aînée et alla s’installer à Vidalot, un hameau dépendant du bourg de Port Ste Marie où vivaient sa fille et son gendre. Elle y fût recensée en 1906, vivant seule dans une maison proche de celle de sa fille. Elle mourut le 16 décembre 1911 à l’hospice de Port-Sainte Marie.

Marie CHAUME II

Revenons un peu sur l’adolescence de Marie, au moment du décès de son beau-père Vital Tichané. Marie avait à peine 11 ans et sa mère allait donc devoir quitter Laugarot pour s’installer à Tustem chez des proches appartenant à la famille de son mari avec les deux enfants qu’elle avait eu de Vital .
Les circonstances étaient suffisamment dramatiques que Marie II fut jugée capable de se débrouiller seule. Elle quitta donc sa mère pour apprendre à travailler et subvenir à ses besoins. Elle fut d’abord placée à Barbaste chez un couple connu de sa mère : les parents de Jean Dulaurant, l’époux de sa soeur aînée. Elle n’y resta quelques petites années et à partir de 1876 elle fût hébergée chez son oncle Jean Tichané. Celui-ci était métayer à Maré, une ferme dans la forêt à deux kilomètres de Réaup près du grand chemin qui va de Barbaste vers Sos et Mont-de-Marsan. Cet oncle y était installé depuis peu de temps sans qu’on puisse savoir d’où il venait.  Il était marié à Suzanne Cazeneuve et le couple n’avait pas de descendance : Marie Chaume II était la seule enfant ou adolescente présente. On peut penser qu’elle fut accueillie en raison des liens familiaux car le document de recensement ne la considère pas comme domestique comme c’était habituellement le cas. D’autant plus qu’un domestique, certes âgé de 74 ans, était aussi présent au foyer ainsi que la mère de Suzanne Cazeneuve (6).

Malgré l’incertitude sur son état, on peut considérer que cette période fut probablement l’une des plus heureuses de la jeunesse de Marie; à coup sûr, elle lui apporta une certaine stabilité au cours de son adolescence. Alors pourquoi ne resta-t-elle pas avec cet oncle et cette tante jusqu’à la date importante de son mariage ?

Car elle se marie en 1880 à Port-Ste-Marie, à l’âge de 20 ans avec Pierre Tissanié, un cultivateur originaire et habitant Vidalot, hameau à quelques kilomètres de Port-Ste-Marie (7). Son acte de mariage indique que Marie habitait à Barbaste au lieu-dit « Bourdiaou-Naou » (Bourdionnaux) avec sa mère (et avec son beau-père Etienne Nuguès). Depuis combien de temps avait-elle quitté l’oncle Tichané et son épouse ?

Après leur mariage, les jeunes mariés ne s’installèrent pas immédiatement à Vidalot. En fait, ils vivront pendant quelques années à Buzet-sur-Baïse, à une dizaine de kilomètres sur l’autre rive de la Garonne.  C’est au cours de cette période que l’on constate que Pierre Tissanié « prit quelques libertés » avec son identité officielle sans que l’on sache pourquoi. (8)  Durant cette période naîtra vers 1882 une fille nommée Laurence qui figure sur l’état-civil de Buzet comme sa soeur Marie-Jeanne qui voit le jour en 1885. Sur l’acte de naissance, le père figure sous le prénom de « Pasqual ». L’âge correspondant à celui de Pierre, on peut considérer que c’est bien lui qui est le déclarant. L’acte précise simplement qu’il est cultivateur à Port-Ste Marie !

C’est en 1891 qu’ ils se sont installés définitivement à Vidalot où naquit leur troisième enfant, prénommé Louis. Quatre ans plus tard, il y eu une petite Jeanne puis Laurencie (dite Eva) en 1896 et enfin Georges en 1899. Les deux aînées furent placées pour travailler dans des familles dès qu’elles furent adolescentes. Les plus jeunes resteront plus longtemps avec leur parents. Ainsi en 1906, Louis alors âgé de 16 ans vivait encore au foyer de ses parents, les aidant probablement à la culture des terres que Marie et Pierre ont pu acquérir. Jeanne qui a 13 ans aide sa mère auprès de ses plus jeunes frère et soeur, Laurencie et Georges; son aide est d’autant plus nécessaire que va naître Georgette en cette même année.

Comment peut-on qualifier cette année 1906 pour Marie et sa famille ? La naissance de Georgette au mois d’octobre sera rapidement suivie du décès du père de famille: Pierre décède au mois de décembre dans des circonstances inconnues. Il a tout juste 51 ans. Il laisse Marie Chaume à 46 ans avec plusieurs jeunes enfants dont un nouveau-né. A cette même époque, la mère de Marie devenue veuve à 67 ans rejoignit sa fille à Vidalot. Est-elle une charge ou une aide pour la petite famille de Marie II ? Avec quelles ressources celle-ci peut-elle survivre ?

Après le décès de Pierre, Marie restera avec ses deux plus jeunes enfants à Vidalot. Elle y est décédée en 1914. Parmi ses enfants, Marie-Jeanne s’était mariée dès 1904 deux ans avant le décès du père et Laurence avait quitté la région de Port-Ste Marie. Les autres enfants se marièrent plus tard, après le décès de leur mère (9): Louis en 1916, Jeanne en 1917 et Laurencie en 1919 et ils vécurent presque tous dans cette même région. Au début des années 1980 et après cinquante ans de séparation, Georges, agriculteur au village voisin de Fourtic et sa soeur Georgette, eurent la joie de se retrouver après une cinquantaine d’années de séparation involontaire.

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(1) – résinier = résineur, collecteur de la résine de pin,  aujourd’ hui appelé gemmeur. Métier disparu à la fin du XXème siècle mais qui comptait plusieurs milliers d’ouvriers en Gascogne et en Guyenne au siècle précédent. Voir l’article sur ce blog :                                   https://famillepopineau.wordpress.com/2014/08/09/le-resinier-ou-gemmeur-des-landes/

(2) – aujourd’hui, les cartes et photos aériennes ne montrent toujours que deux habitations. L’une d’elles est une maison ancienne, typique des fermettes d’autrefois et qui est transformée en chambres d’hôte. Si vous y dormiez, vous pourriez sûrement revendiquer le fait d’avoir vécu sous le même toit que Marie !                                                     http://www.gites-de-france.com/location-vacances-Barbaste-Gite-Pot-De-Lebe-47G758002.html#suivant

(3) – Marie II (la fille) sera reconnue tardivement par sa mère, au moment de son mariage avec Pascal Tissanié. Même sur l’acte rédigé à cette occasion, elle n’est désignée que par son seul prénom  selon l’habitude de l’époque pour un enfant né hors-mariage !

(4) – à l’exemple de Vital qui est appelé Jean, ses deux enfants prénommés Pierre et Jeanne figurent au recensement de 1872 sous les prénoms de Jean et de Marie. C’est assurément un signe que l’on est dans un milieu très traditionnel, attaché à cette pratique fréquente de l’époque.

(5) – voir carte cantonale 1876

 http://www.cg47.org/webcg47/archives_nouveau_site/documents/cartes_cantonales/viewer.asp?idcom=&idcan=333&idann=333

(6) –  Point particulier qui pourrait remettre en cause cette analyse, Marie est enregistrée sous le nom de Tichané (selon la pratique de l’époque, elle n’avait pas de nom de famille, étant née hors-mariage) et elle est notée comme étant née à Lausseignan (où sa mère réside à cette époque) et non à Barbaste. Aucune recherche sur une autre localisation de l’adolescente n’a abouti.

(7) – comment se rencontrèrent-ils ?

(8) – voir sur mon blog l’article consacré à Pierre TISSANIE.

(9) – les décès de Marie I et Marie II n’ont pas été retrouvés par la Mairie sur les registres d’état-civil ! Selon les souvenirs de Georgette, Marie Chaume II serait décédée chez une de ses filles qui était lingère « au chateau » (Boussères ?). Elle fut inhumée très vraisemblablement au cimetière de l’église de Mazères.

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Pour ceux qui voudrait avoir un aperçu (désabusé) des réflexions d’un Gascon sur l’évolution de sa région au début du XXème siècle :

« En Gascogne ; l’abandon de la terre » par le Dr Labat – 1911 -extrait de la Revue des Deux-Mondes. – (sur le site Gallica de la BNF ).

 

A propos J-L.P.

Amateur en généalogie et soucieux de conserver la mémoire de mes ancêtres, je satisfais en même temps mon intérêt pour la "petite" histoire.
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2 commentaires pour Marie CHAUME (1839 – 1911) et Marie CHAUME (1860 – 1914)

  1. Popineau dit :

    Très bel article sur les origines de Georgette qui nous ont toujours parues mystérieuses ! J’ai encore appris beaucoup de choses

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